Le mot du Doyen

 

Homélie de Mgr Warin lors de la consécration du nouvel Autel le 10 mars 2024 à l’église Saint-Pierre de Bastogne

La Confirmation - Service de catéchèse - Diocèse de Namur

Cette église Saint-Pierre de Bastogne vient d’acquérir un nouvel autel. Tout le mobilier du chœur, dont l’ambon et le siège de présidence, est nouveau. En ce jour où la communauté chrétienne de Bastogne célébrera désormais dans des habits neufs, permettez-moi de proposer cinq mots d’ordre pour la route de l’Eglise aujourd’hui.

 

 

Premier mot d’ordre :  vivre tourné vers le monde et non vers soi-même.

Dans son Exhortation apostolique Evangelii Gaudium (« La Joie de l’Evangile »), le Pape François souligne que « l’action missionnaire est le paradigme (le modèle) de toute tâche de l’Eglise » (15). Et qu’ « il est nécessaire de passer d’une pastorale  de simple conservation à une pastorale vraiment missionnaire » (ibid.). Le Pape appelle les communautés à « être en sortie » (46), à vivre non pas tournées vers elles-mêmes, mais vers le monde.

Selon l’heureuse formule du Concile Vatican II, l’Eglise est sacrement du salut pour le monde (cf. LG48). L’Eglise n’existe pas pour elle-même : elle est pour le monde. Ne sommes-nous pas dans l’Eglise trop souvent préoccupés par des questions de cuisine interne et trop peu par cet impératif : comment faire signe au monde ?

Le 26 mars 2023, le secteur pastoral de Bastogne e été érigé en l’Unité pastorale Notre-Dame des Victoires. Or la finalité du projet diocésain d’érection d’unités pastorales est d’engendrer des communautés chrétiennes qui fassent signe dans un monde qui n’est plus guère chrétien, voire plus du tout.

Nous chrétiens devons dire ce qui nous habite, « rendre compte de l’espérance qui est en nous », mais – comme l’apôtre Pierre le précise dans sa Première Lettre – « avec douceur et respect » (cf. 1 P3, 15-16). Sans imposer. Comme le Seigneur Jésus qui disait : « Si tu veux … » Nous chrétiens devons être des proposants de la foi.

Nous devons nous garder de toute enflure, mais tout de même oser la visibilité. Oser la visibilité, parce que nous sommes dépositaires pour le monde d’un trésor.  « Parfois-dit le bon Pape François dans La Joie de l’Evangile - nous perdons l’enthousiasme pour la mission en oubliant que l’Evangile répond aux nécessités les plus profondes des personnes » (265). Et un peu plus loin, il s’exclame : « l’Evangile, le plus beau message qui existe en ce monde » (277).

 

Deuxième mot d’ordre :  vivre pleinement sa foi.

Dans la même Exhortation, le Pape dit aussi. « L’Eglise n’évangélise pas si elle ne se laisse pas continuellement évangéliser. Il est indispensable que la Parole de Dieu devienne toujours plus le cœur de toute activité ecclésiale » (174).

Comment l’Eglise pouvait-elle être évangélisatrice si elle ne commence pas par s’évangéliser elle-même ? Dans une société où la foi ne va plus de soi, pour être contagieux, il s’agit de vivre sa foi de manière effective, de s’approprier pleinement le message que nous avons reçu. Il faut que l’amour du Christ devienne une passion qui soulève tout l’être !

J’appelle les communautés à être chrétiennes. Et être pleinement chrétien, cela ne veut pas dire seulement se réunir pour célébrer. Cela signifie encore grandir dans la foi (à cet effet des catéchèses communautaires sont proposées par le Service diocésain de la catéchèse) et aussi mettre en œuvre le service du frère (la diaconie).

 

Troisième mot d’ordre :  être plus attentif aux pauvretés, être compatissant.

Soyons compatissants envers celui ou celle qui vit une situation difficile.

Un Belge sur six vit sous le seuil de la pauvreté, soit un million 865.000 habitants, soit l’équivalent de plusieurs provinces entières. La population cumulée de la Province de Namur et de la Province de Luxembourg ne fait pas 800.000 habitants.

Soyons compatissants envers les nations qui sont moins bien loties que la nôtre. Les chiffres sont là : si on devait assurer à tous une consommation semblable à celle de la Belgique, il faudrait 4,3 planètes !

Accueillons, en ce 4ème dimanche de Carême, la première collecte du Carême de partage que nous propose « Entraide et Fraternité ».

 

Quatrième mot d’ordre : ne pas être désemparé.

Ne soyons pas désemparés par une Eglise « petit troupeau » à qui en Luc 12,32, le Seigneur dit : « Sois sans crainte. » Du reste, quand on considère la pauvreté comme une catastrophe, que devient la première Béatitude : « Heureux les pauvres » ?

Turquie - Cappadoce | Troupeaux de moutons dans un village d… | Flickr

Ne soyons pas désemparés parce que notre société n’est plus guère chrétienne. Être chrétien dans une société qui ne l’est plus guère est une situation relativement traditionnelle dans l’histoire de l’Eglise.

Notre Eglise a été, il y a 13-14 ans, dans la tourmente à cause de certains de ses acteurs pastoraux. Et elle l’est à nouveau aujourd’hui. Nous en sommes affectés. Ne soyons pas désemparés par une Eglise qui ploie et qui soufre. L’agonie et la Passion de Jésus ne peuvent pas ne pas marquer la vie de l’Eglise si l’Eglise est réellement le corps du Christ. Ayons la foi qu’à travers l’évènement pascal, l’Eglise est toujours en état de naissance. En ce dimanche de Laetare, ce qui veut dire : réjouis-toi, qu’une joie sereine nous habite.

 

Cinquième mot d’ordre :

Pope Francis savages Covid rule breakers who only care about ‘going on ...

Autant j’entends que le prêtre, comme représentant du Christ Pasteur, soit celui qui préside à la vie des communautés locales et à leur rassemblement, ainsi que leur responsable ultime, autant je trouverais injuste de tout voir et concevoir à partir de lui. Si les prêtres sont les responsables de l’ensemble, du tout, ils ne sont pas responsables de tout. Prêtres, ils doivent l’être oui, mais avec d’autres.

Le Pape a donné un nouveau visage au Synode. Celui-ci ne se limite plus à une assemblée d’évêques, assistés d’experts. Le moment est venu d’une participation plus large, et plus juste, du Peuple de Dieu tout entier au processus de décision. Je dis : « participation plus juste du Peuple de Dieu tout entier », parce que le peuple de Dieu tout entier jouit du « sensus fidei », c’est-à-dire du flair pour discerner les nouvelles routes que Dieu ouvre à son Eglise.

Le synode a pour thème : « Pour une Eglise synodale ». Une Eglise synodale, c’est une Eglise « qui fait route ensemble », une Eglise où tous sont responsables, une Eglise qui implique chacun et chacune.

Il s’agit donc de faire jouer tout le monde ensemble, de laisser chanter le rossignol qu’il y a en chacun, de permettre à chacun et chacune de déployer sa vocation spécifique.

                                                                                       + Pierre WARIN

                                                                      Bastogne, le 10 mars 2024.

 


                                                                                                                         

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